Histoires de la 4eme dimension by Collectif

Histoires de la 4eme dimension by Collectif

Auteur:Collectif [Collectif]
La langue: fra
Format: epub
ISBN: 2253032956
Éditeur: LGF - Le livre de poche
Publié: 1983-10-31T23:00:00+00:00


À l’origine de cette crise, se trouvait peut-être seulement ce que Truesdale avait tenté d’incorporer à son poème. Il est évidemment possible de mettre toutes sortes d’« objets trouvés » dans des poèmes – l’on pourrait même se demander avec raison quels autres objets peuvent figurer dans des poèmes – et cela, sans que le poète puisse prédire quel sera leur effet sur le poème dans son ensemble. Ne serait-il pas tout aussi justifié d’affirmer qu’il existe des « objets » susceptibles de refuser de se laisser intégrer à un poème ? Peut-être ces derniers ont-ils la propriété d’« agir » activement, et non de se « laisser faire » passivement : ils pourraient facilement entrer de leur propre chef dans des poèmes (selon toute probabilité en se faisant passer pour d’autres objets, moins voyants) mais il est impossible au poète lui-même de s’en emparer et de s’en servir à sa guise. Et peut-être la raison en est-elle, à son tour, qu’ils constituent pour ainsi dire une poésie sui generis, dotée d’une certaine indépendance dynamique, laquelle entraîne à son tour une résistance à se voir entouré d’un chœur de mots construit à leur propos. Borges lui-même ne nous a-t-il pas mis en garde de longue date, en signalant qu’« il est dangereux de penser qu’une coordination de mots (les philosophies ne sont rien d’autre) puisse avoir grande ressemblance avec l’univers » ? Voilà donc qui règle leur compte aux philosophies, aux systèmes scientifiques, et à la littérature imitative. Mais qu’en est-il de la poésie ?

En même temps, il nous demande de voir, avec les symbolistes, que le monde lui-même est un livre – sinon une « coordination de mots », du moins une forêt de symboles, peut-être indéchiffrables. Il en va peut-être de même pour cette « histoire » sans titre et illisible (indéchiffrable) qu’il nous a donnée. Elle n’a que peu, ou pas du tout, de « ressemblance avec l’univers », mis à part les associations, de nature peut-être uniquement personnelle, qu’évoquent certains de ses signes ; elle est, par contre, une véritable forêt de symboles, dans laquelle il me semble, maintenant que je m’y consacre de plus en plus sérieusement (je crains que je ne puisse me dessaisir de sitôt de ma collection de manuscrits ; mon cabinet de travail est déjà encombré à l’extrême d’une multitude d’artefacts porteurs de symboles que j’ai accumulés en l’espace de quelques mois ; je me demande ce que va entraîner ce bref essai sur ce sujet), que l’on puisse marcher sans fin entre des objets encore jamais vus. Non pas « une coordination de mots », mais une agglomération – qui pourrait se targuer de savoir si quelque chose a été « coordiné » ? – de choses, de symboles, de présences ; non pas, certes, une « image de l’univers », mais un univers en soi, qui ne peut être « incorporé » à aucun autre univers.

Il semble donc que Borges nous ait donné, non pas une œuvre littéraire, mais un monde, un monde étrange, opaque et têtu.



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